Elle avait 13 ans lorsque la première bombe atomique de l’histoire a été larguée sur Hiroshima, le 6 août 1945, à un kilomètre et demi de l’endroit où elle se trouvait. Setsuko Thurlow, ambassadrice de l’ICAN, la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires, se rendra à Oslo en décembre prochain pour recevoir le prix Nobel de la Paix.
Crédit photo : @nuclearagepeacefoundation/flickr
« Je me souviens d’un éclat de lumière bleuté. Mon corps a été soufflé dans les airs, je me souviens de cette sensation de flotter », raconte-t-elle à l’Agence France-Presse. Coincée sous des décombres avec des dizaines d’autres personnes, elle sera finalement sauvée par un inconnu.
L’explosion nucléaire d’Hiroshima a tué environ 140 000 personnes et celle de Nagasaki, trois jours plus tard, 80 000 autres. « La ville que j’ai vue était indescriptible. C’était devenu une ville morte. […] Personne ne criait, personne ne courait. Les survivants n’en avaient pas la force physique ni mentale. Tout au plus étaient-ils capables de quémander de l’eau d’une voix à peine audible ».

En 1955, après avoir obtenu des diplômes universitaires au Japon et aux États-Unis, elle épouse un Canadien et quitte les Etats-Unis pour le Canada, où elle mènera une carrière sociale dans les milieux cliniques et scolaires. En 1974, profondément préoccupée par l’oubli de l’impact dévastateur des bombardements atomiques, elle fonde l’organisation militante Hiroshima Nagasaki Revived. Elle devient ambassadrice de la campagne internationale ICAN dès son lancement en 2007.
La campagne rassemble 460 ONG, dont l’Association internationale des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire (IPPNW), afin de lutter contre les armes nucléaires dans le monde et d’obtenir la reconnaissance « de leurs conséquences humanitaires et environnementales catastrophiques ». L’ICAN appelle les États, les organisations internationales mais aussi la société civile à reconnaître la nécessité d’une interdiction totale des armes nucléaires.
Setsuko Thurlow a joué un rôle majeur au sein de l’ICAN, notamment dans les négociations qui ont mené l’ONU à adopter en juillet dernier un traité posant pour la première fois l’interdiction de l’arme atomique. Elle a reçu de nombreux honneurs, dont la médaille du jubilé de diamant de la reine Élisabeth II en 2012. La Ville d’Hiroshima l’a désignée « Ambassadrice de la paix » en 2014 et l’Association pour le contrôle des armes l’a nommée « Personne du contrôle des armes de l’année » en 2015. En 2007, elle a été nommée officière de l’Ordre du Canada.
Dans l’espoir de sensibiliser aux horreurs de la guerre nucléaire et de freiner la prolifération des armes de destruction massive, elle raconte son histoire à qui veut l’entendre, tant aux écoliers qu’aux plus hauts diplomates. Lors d’une conférence à Key West en Floride, elle affirmait : « Nous, les Hibakusha, survivants d’Hiroshima de Nagasaki, sommes convaincus qu’aucun être humain ne devrait avoir à vivre notre expérience de l’inhumain, de l’illégalité, de l’immoralité et de la cruauté de la bombe atomique, et que notre mission est d’avertir le monde de la menace du mal ultime. Nous croyons que « Humanité et armes nucléaires ne peuvent coexister », et c’est notre impératif moral d’interdire les armes nucléaires dans le but de sécuriser un monde sans danger, propre et juste pour les futures générations ».
La Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires a reçu le prix Nobel de la Paix 2017. À ce titre, la présidente du comité Nobel norvégien, Berit Reiss-Andersen, a appelé les puissances nucléaires à entamer des « négociations sérieuses » en vue d’éliminer leur arsenal : « Nous vivons dans un monde où le risque que les armes nucléaires soient utilisées est plus élevé qu’il ne l’a été depuis longtemps. Certains pays modernisent leurs arsenaux nucléaires, et le danger que plus de pays se procurent des armes nucléaires est réel, comme le montre la Corée du Nord ».
BREAKING NEWS The 2017 Nobel Peace Prize is awarded to the International Campaign to Abolish Nuclear Weapons (ICAN) @nuclearban #NobelPrize pic.twitter.com/I5PUiQfFzs
— The Nobel Prize (@NobelPrize) 6 octobre 2017
Accompagnée de la directrice générale de l’ICAN, Beatrice Fihn, à Oslo, en Norvège, Setsuko Thurlow ira recevoir le prix Nobel de la paix en décembre prochain. Dans un communiqué, elle a déclaré « accepter avec une « grande humilité » cette invitation à la cérémonie du prix Nobel ». « Cela a été un grand privilège de travailler avec autant de militants passionnés et inspirants d’ICAN à travers le monde au cours de la dernière décennie. Le prix Nobel de la paix est un puissant outil que nous pouvons maintenant utiliser pour promouvoir notre cause », a-t-elle souligné.