Pour sensibiliser sur le « chemin de l’avortement » qu’ont dû emprunter les 170 216 Irlandaises qui ont avorté à l’étranger depuis 1980, deux artistes ont présenté le projet créatif « Not At Home » lors du Fringe festival à Dublin.
Crédit photo : @NOTATHOMEIRELAND
La République d’Irlande est l’un des derniers pays d’Europe à restreindre le droit à l’avortement aux femmes. En 1983, le huitième amendement garantissant « le droit à la vie » de l’embryon, en tenant compte du « droit égal à la vie de la mère », a été ajouté dans la Constitution, interdisant totalement l’avortement en Irlande. Il a été légèrement assoupli en 2013, après la mort d’une jeune femme enceinte, autorisant la pratique de l’avortement en cas de menace vitale pour la mère. Le viol, l’inceste ou la malformation du fœtus ne sont pas des raisons légales pour avorter, et une telle intervention constitue un crime passible d’une peine de 14 ans de prison.
Pour avorter, les Irlandaises doivent donc se rendre à l’étranger, plus généralement en Grande-Bretagne, et débourser jusqu’à 4000 livres pour faire pratiquer l’opération. Depuis 1980, elles ont été 170 216 à devoir quitter le pays pour interrompre leur grossesse, selon le Département de la Santé du Royaume-Uni.
Face à un tel constat, les artistes Emma Fraser (Nine Crows) et Grace Dyas (THEATREclub) ont décidé de monter le projet « Not At Home » afin de « rendre visible les expériences de toutes ces femmes qui ont voyagé à l’étranger pour avorter sans risque et mettre en lumière les conséquences des lois irlandaises sur l’avortement ».
Les deux artistes ont recueilli, pendant plus d’un an, des témoignages de femmes parties avorter à l’étranger. Elles ont ensuite imaginé un espace représentant les salles d’attentes dans lesquelles les « citoyennes irlandaises patientent pour que leur problème soit résolu ». Le but étant de laisser le visiteur se déplacer dans l’espace, écouter les différents témoignages et prendre le temps de réfléchir à la question de l’avortement.
Quand on leur demande si « Not At Home » cherche à critiquer les opposants à l’avortement, les deux artistes répondent que ce projet « n’est ni un sermon pour les convertis, ni une tentative de changer l’esprit de qui que ce soit. C’est un endroit calme pour les indécis, pour ceux qui ont pris leur décision et pour ceux qui ont besoin d’espace pour réfléchir. L’objectif est d’essayer d’amplifier les voix que nous pensons être les plus importantes dans ce débat – celles des femmes pour qui cela a été une réalité vécue ».
Prochaine étape de « Not At Home » : trouver de nouveaux lieux d’expositions pour continuer à partager les témoignages de ces Irlandaises parties avorter à l’étranger. Les deux artistes se sont données deux mois pour financer l’exposition en ouvrant un projet de financement participatif sur Indiegogo.
D’après une récente enquête Ipsos/MRBI, l’opinion publique irlandaise reste encore très partagée sur la question de l’avortement : si 76 % des Irlandais seraient prêts à accepter l’avortement en cas de viol, 67 % d’entre eux seraient opposés au libre choix d’une IVG. Le gouvernement irlandais a néanmoins annoncé la tenue d’un référendum sur l’avortement en mai ou juin 2018, afin de revoir le huitième amendement.