Au Chili, les Hombres Tejedores, les « hommes qui tissent », se réunissent tous les mois dans une rue ou dans un parc pour… tricoter ensemble. Plus qu’une simple passion, le tricot est pour eux un moyen de promouvoir une société plus tolérante et plus égalitaire. Nous les avons rencontrés.
Crédit photo : @hombrestejedores
« Le Chili entretient une culture patriarcale puissante. Notre société s’est construite sur ces préceptes donc nous constatons chaque jour, avec tristesse, de grosses inégalités entre les hommes et les femmes ». Pour combattre ce schéma qu’ils jugent « trop patriarcal » et sexiste, les Hombres Tejedores se réunissent chaque mois et tricotent dans l’espace public.
Ricardo, présent depuis le début de l’aventure, explique que cette activité est bien plus qu’un hobby traditionnel : « Notre démarche est une invitation ouverte aux autres hommes à réfléchir sur le rôle de l’homme dans notre société et à l’importance de briser les stéréotypes ».
Le groupe cherche à combattre les clichés – le tricot n’est pas une activité réservée aux femmes- mais aussi à défendre les Chiliennes et mettre en lumière leur condition : « Les femmes doivent tellement se battre pour leurs droits. La plupart des hommes ne veulent pas abandonner leur zone de confort ou les privilèges qu’ils ont simplement parce qu’ils sont des hommes. C’est quelque chose que nous essayons de combattre également. Nous croyons que nous pouvons créer une nouvelle société, même si cela prend des années. Dans tous les cas, nous continuerons à travailler/combattre/tricoter parce que notre société doit changer ».
Comme il n’est pas courant de voir des hommes tricoter dans la rue, le groupe ne passe généralement pas inaperçu : « Les passants nous regardent fixement et s’approchent pour nous parler ou pour commenter ce que nous faisons. Parfois, les gens nous disent qu’ils ont un ami ou un parent qui tricote depuis toujours ou qu’ils croient vraiment qu’un groupe comme le nôtre peut poser les bases d’une société nouvelle et meilleure. Chaque fois qu’une personne s’interroge sur ce que nous faisons, nous pensons que nous changeons un peu la donne ».
Le collectif a été créé par l’artiste Claudio Castillo, qui souhaitait inventer un espace dans lequel les hommes se permettraient de tricoter. Il souhaitait également analyser comment les stéréotypes et les préjugés « nous empêchent d’être libres et de vivre heureux ». Au départ, cette activité se limitait à la salle de classe, où l’artiste organisait des ateliers de tissage. Mais le 18 juin 2016, les Hombres Tejedores se sont rassemblés au Musée des Beaux-Arts de Santiago, la capitale du Chili, pour réaliser une performance lors de la Journée Mondiale du Tricot en Public & en Plein Air 2016. Le collectif était né.
Depuis, ils se retrouvent chaque mois dans l’espace public pour tricoter. Le groupe est composé de douze hommes de 26 à 42 ans, exerçant tous un métier différent. En un peu plus d’un an, ils se sont fait connaître au Chili, mais aussi à l’international.
A ce jour, les Hombres Tejedores sont suivis par plus de 96 000 internautes sur Facebook et le concept a été repris en Argentine, où le groupe Hombres Tejedores Argentina a vu le jour le 1er novembre dernier. Des initiatives similaires naissent également partout dans le monde, comme à Montevideo en Uruguay ou à Bogotá en Colombie.