Vendredi 24 mars, Netflix mettait en ligne son dernier biopic dédié à Madalyn Murray O’Hair, dite « La femme la plus détestée d’Amérique » (« The Most Hated Woman in America »). Rendue célèbre par son combat pour l’athéisme, c’est finalement le mystère de sa disparition qui restera dans les mémoires. 

Son nom ne vous dit peut-être rien mais, aux Etats-Unis, l’évocation de Madalyn Murray O’Hair ne laisse pas indifférent. Considérée comme « la femme la plus détestée d’Amérique » par le magazine américain Life, Madalyn Murray O’Hair a fait parler d’elle en luttant pour l’athéisme aux Etats-Unis et pour la séparation de l’Eglise et de l’Etat.

 

Quand elle apprit que son fils William était forcé de réciter des prières à l’école, Madalyn Murray O’Hair attaqua en justice une règle de 1905 du conseil scolaire de Baltimore, stipulant que chaque journée d’école devait commencer par la lecture de la Bible ou la prière, ou les deux. Elle-même avocate, O’Hair perdit le procès et le recours en appel.

C’est ainsi qu’elle déposa, en 1960, une requête auprès de la Cour Suprême (Murray contre Curlett) afin de faire interdire l’obligation de la prière et des lectures de la Bible dans les écoles américaines publiques. Trois ans plus tard, la Cour statua en partie en sa faveur en interdisant les lectures dites « coercitives ».

Madalyn Murray O’Hair fonda par la suite l’organisation des « Athées américains » (American Atheists) dont elle occupa le rôle de présidente pendant 23 ans. L’organisation procéda à de nombreuses poursuites judiciaires contre les institutions publiques ne respectant pas la séparation de l’Eglise et de l’Etat.

Dans les années 60, face à une Amérique très religieuse, l’avocate rendue célèbre par son combat devint très vite détestée par bon nombre d’Américains. Son franc-parler l’amena à faire régulièrement la Une des journaux et à défendre son combat aussi bien à la télévision qu’à la radio. En réaction à son militantisme, ses détracteurs lui envoyèrent des menaces de mort, tandis que ses admirateurs firent de nombreux dons à l’organisation.

L’athéisme étant une affaire de famille, Madalyn fut secondée par son fils William jusqu’en 1980, date à laquelle il quitta l’organisation pour se tourner vers le christianisme. Cet acte, perçu par sa mère comme une véritable trahison, lui fit rompre tout lien avec son fils.

Madalyn continua son combat accompagnée de son deuxième fils Jon Garth Murray et de sa petite-fille Robin Murray O’Hair, fille de William.

La disparition

L’histoire de Madalyn Murray O’Hair ne s’arrête pas là. En septembre 1995, la figure la plus célèbre de l’athéisme américain disparut subitement, en compagnie de son fils et de sa petite-fille.

Les trois membres de la famille furent kidnappés dans l’indifférence totale, et retenus par trois hommes, pendant près d’un mois. Parmi les ravisseurs se trouvait David Waters, un ancien employé du bureau d’O’Hair, ex-détenu qu’elle avait engagé en 1993. Celui-ci la suspectait de détenir des comptes offshore avec les dons reçus par l’organisation : l’enlèvement était motivé par l’appât du gain et la vengeance.

Jusqu’au printemps 1995, David Waters remplissait des fonctions de responsable de bureau jusqu’à ce que, au retour d’un voyage en Californie, les O’Hair ne découvrent que leur responsable de bureau avait licencié l’ensemble du personnel et vidé les comptes en banque de 50 000$.

Mécontente de la sentence judiciaire administrée à David Waters suite au procès qu’elle lui avait intenté, Madalyn Murray O’Hair décida de le dénoncer publiquement en écrivant un article dans sa lettre publique athéiste, exposant son casier judiciaire, qu’elle n’avait pas consulté au moment de l’embauche, et révélant son passé de meurtrier. Elle conclut l’article en soulignant le fait que la justice avait favorisé Waters et ne l’avait pas jugé comme il devait l’être, Waters étant « l’homme ayant volé des athéistes ».

Madalyn Murray O’Hair, son fils et sa petite-fille célébrant les 25 ans d’American Atheists

Quelques jours après la disparition des O’Hair, les membres du conseil d’administration d’American Atheists de l’époque, Skype Tyson et Ellen Johnson, parvinrent à entrer en contact avec Jon Garth Murray, par téléphone. Celui-ci affirma que la famille était partie pour une affaire urgente, mais refusa de donner des détails. Plusieurs coups de fils avec l’organisation furent échangés par la suite. A partir du 28 septembre 1995, ils cessèrent de répondre au téléphone.

L’enquête

Un an plus tard, un journaliste du nom de John MacCormack fut assigné à l’affaire pour préparer l’anniversaire de la disparition des Murray-O’Hair. L’enquête prit un nouveau tour lorsque l’organisation American Atheits signala la disparition de 600 000$, les preuves accablant Jon Garth Murray, fils de Madalyn.

John MacCormack, le journaliste ayant enquêté sur la disparition

En juin 1998, après avoir été interviewé à la télévision, MacCormack reçut un coup de téléphone anonyme l’informant que David Waters connaissait précisément le sort des O’Hair, celui-ci les ayant kidnappés et assassinés. L’interlocuteur anonyme ajouta que le meurtre des O’Hair était en lien avec la disparition de Danny Fry, un petit arnaqueur qui avait voyagé de Floride au Texas, à l’été 1995, pour passer du temps avec David Waters. A la fin du mois de septembre, sa fiancée n’ayant plus de nouvelles, Danny Fry avait été porté disparu.

Quelques mois après le coup de fil anonyme, John MacCormack tomba sur un article informant du troisième anniversaire de la trouvaille d’un corps d’homme sans tête, aux abords du fleuve Trinity à Dallas. MacCormack contacta la police de Dallas et fit faire des tests ADN. La réponse fut sans appel : l’ADN correspondait à 99,99% à celle de Danny Fry.

Le scoop relança l’enquête et amena la police à fouiller le logement de Gary Karr dans le Michigan, un autre ex-détenu résidant chez Waters au moment de la disparition de la famille, et l’appartement de David Waters au Texas. Ils obtinrent également des informations de la bouche de l’ex-femme de Karr et l’ex-copine de Waters. Les révélations amenèrent à l’enfermement des deux hommes pour des charges liées au port d’armes.

Le dénouement

Grâce aux témoignages recueillis, le FBI parvint à reconstituer les derniers moments de la famille. Il semblerait que les trois victimes aient été retenues par leur kidnappeurs pendant un mois, dans le Warren Inn Apartments au nord-est de San Antonio. Leur principal garde était Danny Fry qui n’avait jusqu’alors jamais été condamné pour des faits judiciaires graves. L’ex-copine de David Waters révéla que celui-ci était tellement en colère quand O’Hair publia l’article à son sujet, qu’il « fantasmait à l’idée de la torturer et d’arracher ses orteils avec des pinces ».

Waters aurait apparemment persuadé Jon Garth Murray de lui verser 600 000$ en pièces d’or, des avances sur leurs cartes de crédits, et l’achat d’une Mercedes. Selon l’enquête, la mort des O’Hair serait arrivée aux alentours du 29 septembre 1995. Les corps démembrés auraient ensuite été transportés dans des barils à près de 200 kilomètres de San Antonio, dans un ranch. Les restes des corps auraient été déposés dans des tombes peu profondes, qui ne seront découvertes que cinq ans plus tard. La mort de Danny Fry serait intervenue quelques jours plus tard, probablement par une balle tirée dans la tête. Il aurait subi le même sort que les O’Hair, son corps ayant été retrouvé lui aussi démembré.

L’argent fut entreposé dans un garage. Une partie du gain (80 000$) fut très vite dépensée en costumes, montres Rolex et champagne. Cependant, un autre mystère s’ajoute à l’enquête : quelques jours plus tard, Waters se rendit au garage et découvrit que le cadenas avait été forcé et que tout l’argent avait été volé.

Gary Karr fut jugé en 2000. Sans les corps des trois victimes, le jury ne put le condamner pour meurtre. Karr fut donc inculpé pour extorsion et blanchiment d’argent ce qui l’amena à une peine pour emprisonnement à perpétuité.

David Waters ne fut jamais jugé pour le kidnapping et le meurtre présumé de la famille. En mars 2001, il fut condamné à vingt ans de prison et révéla, dans le cadre d’un arrangement, l’emplacement des trois corps. Waters succomba à un cancer des poumons en janvier 2003, dans un hôpital pénitentiaire de Caroline du Nord.

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En plus de résoudre les meurtres des O’Hair et de Fry, les agents retrouvèrent la trace des pièces d’or disparues. Celles-ci furent dérobées par un groupe de voleurs de San Antonio, qui possédait une clé passe-partout correspondant au verrou utilisé par Waters. Ils seraient tombés sur le butin « par coïncidence ». Une seule pièce d’or fut retrouvée par la police.

L’enquête fut définitivement close en janvier 2001, soit plus de cinq ans après la disparition de Madalyn Murray O’Hair, Jon Garth Murray et Robin Murray O’Hair, lorsque les agent fédéraux trouvèrent les restes des trois victimes (squelettes, tissus brulés, os brisés et une hanche en métal appartenant à Madalyn Murray O’Hair).

Plus de vingt ans après sa disparition, Madalyn Murray O’Hair déchaîne encore les passions. Les actions de la militante sont encore critiquées, applaudies ou citées à titre d’exemple. A ce jour, elle reste « la femme la plus détestée d’Amérique ».

Critiquée

https://twitter.com/ggentlemanirish/status/845752822968799233

https://twitter.com/armlessphelan/status/808697966944980992

Applaudie

« The Most Hated Woman in America » est à découvrir sur Netflix depuis le 24 mars.

Sources :