Disparue le 30 juin dernier à l’âge de 89 ans, Simone Veil, grande figure féminine de la vie politique française, a marqué les esprits pour avoir porté la loi légalisant l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Déportée à Auschwitz-Birkenau lorsqu’elle avait 16 ans, elle a consacré sa vie à faire perdurer la mémoire de la Shoah. Plus encore, elle a ouvert la voie aux femmes en politique, en étant la première femme nommée à plusieurs postes clés du gouvernement.
Crédit photo : EPP Group in the European Parliament
Première femme secrétaire générale du Conseil supérieur de la magistrature
Après avoir obtenu sa licence de droit et son diplôme de l’Institut d’études politiques de Paris, Simone Veil renonce à sa carrière d’avocate. Elle se présente au concours de la magistrature qu’elle passe avec succès en 1956.
Simone Veil rejoint alors le ministère de la Justice, au poste de haut fonctionnaire dans l’administration pénitentiaire, où elle s’occupe des affaires judiciaires. Au cours de ses contrôles dans les prisons, elle est témoin des conditions de vie déplorables des détenus. Elle mène plusieurs missions dans des prisons insalubres en France et en Algérie. Elle délaisse les affaires judiciaires en 1964 pour se consacrer aux affaires civiles.
En 1970, elle devient secrétaire générale du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), après avoir rejoint en 1969 le cabinet du garde des Sceaux. Elle est la première femme à occuper ce poste.
Elle se rapproche de la politique en étant nommée, en parallèle, administrateur à l’Office de radiodiffusion-télévision français (ORTF) pour y représenter l’État.
Première femme ministre sous la Ve République
Chez les Veil, c’est Antoine qui baigne dans la politique. Tout bascule quand Simone est repérée par Jacques Chirac, une connaissance du couple. Lorsque celui-ci devient le Premier ministre de Valéry Giscard d’Estaing en 1974, elle est nommée ministre de la Santé par le président de la République. Pour la première fois sous la Ve République, une femme devient ministre de plein exercice.
Parmi les promesses du candidat Giscard : celle de dépénaliser l’avortement. Le dossier est confié à Jean Lecanuet, garde des Sceaux de l’époque, mais celui-ci est défavorable au projet de loi. La ministre de la Santé prend donc en charge son (premier) dossier : la loi légalisant l’IVG, l’interruption volontaire de grossesse.
Face à une assemblée remplie de 481 hommes et de seulement 9 femmes, elle réussit à faire adopter la loi, grâce au soutien des députés de gauche. La loi Veil, est promulguée le 17 janvier 1975, autorisant l’IVG pour cinq ans. L’autorisation est rendue définitive par la loi du 31 décembre 1979.
Quelques mois après être parvenue à s’imposer au Parlement, la ministre de la Santé mène le tout premier plan anti-tabac de France. La loi Veil du 9 juillet 1976 constitue le premier pas en faveur de la lutte contre le tabagisme en France.
La loi reprend les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) promulguées en 1975. Ainsi, elle instaure une réglementation de la promotion des produits du tabac, désormais limitée à la seule presse écrite, et impose la mention de l’avertissement sanitaire « abus dangereux » sur les emballages.
La loi prévoit également l’instauration obligatoire d’interventions informatives sur le tabac et ses dangers dans les établissements scolaires et auprès de l’armée. Enfin, elle interdit le parrainage de manifestations sportives par les cigarettiers et l’usage de tabac « dans les lieux affectés à un usage collectif où cette pratique peut avoir des conséquences dangereuses pour la santé ».
Première femme présidente du Parlement européen
En 1979, Simone Veil quitte le gouvernement pour conduire la liste de droite aux élections européennes (UDF). Le 17 juin, elle est élue au second tour par 192 voix. Elle devient ainsi Présidente du premier Parlement européen directement élu et première femme à la tête d’une institution européenne.
L’Europe est l’un des grands combats de sa vie car elle est, pour elle, la solution pour empêcher les guerres. Pendant son mandat, elle contribue, notamment, à faire connaître le Parlement européen à l’opinion publique européenne et à améliorer son image.
Elle occupe la fonction jusqu’en 1982 et renonce à briguer un second mandat de deux ans et demi, ne bénéficiant pas du soutien des élus RPR qui lui vouent une haine tenace. Simone Veil reste néanmoins au Parlement, d’abord comme présidente de la commission des affaires juridiques puis du groupe libéral, jusqu’en 1993, date à laquelle elle est nommée ministre des Affaires sociales du gouvernement Balladur.
Le président actuel du Parlement européen Antonio Tajani s’est exprimé suite à sa disparition, dans un communiqué : « Nous rendons hommage à une grande Présidente du Parlement européen, une conscience de l’Union européenne, une figure de la lutte contre l’antisémitisme et une défenseur des droits des femmes ». « Son combat pour les femmes et sa lutte contre l’antisémitisme restent d’actualité ».