Kathrine Switzer est la première femme à avoir couru officiellement le marathon de Boston. Entrée dans la légende, la marathonienne, âgée de 70 ans aujourd’hui, était de retour sur la piste 50 ans plus tard.
Jeune étudiante en journalisme à l’Université de Syracuse, Kathrine Switzer s’élançait, mercredi 19 avril 1967, dans la course qui allait lui changer sa vie. Lundi 17 avril, soit 50 ans plus tard, elle franchissait de nouveau la ligne d’arrivée, arborant le célèbre dossard 261.
Elle comptabilise, avec cette course, neuf marathons de Boston et un total de quarante marathons courus. Entre les séances photos et les interviews, Kathrine a terminé les 42,195 km de cette 121e édition dans le temps de qualification soit 4 heures 44 minutes et 31 secondes.

En 1967, la performance de la jeune Kathrine Switzer aurait pu passer complètement inaperçue. L’année qui a précédé sa participation, une autre femme nommée Roberta Bingay Gibb courut le marathon de Boston, sans être inscrite à la course. Elle ne fut pas inquiétée par les organisateurs.
Contrairement à Roberta Bingay Gibbn, Kathrine Switzer s’inscrivit sur la liste des participants sous l’identifiant « K. V. Switzer ». Même s’il était de notoriété publique que le marathon était réservé aux hommes, aucun texte ne le stipulait officiellement. Elle s’élança donc avec les coureurs masculins, le dossard 261 épinglé sur le torse.
Peu après son départ, Jock Semple, un organisateur de la course, la repéra et tenta de lui arracher son dossard pour la disqualifier. L’incident aurait pu en rester là si le photographe Harry Trask du Boston Traveler n’avait pas capturé le moment.

« Instinctivement, j’ai tourné la tête et je me suis retrouvée face au visage le plus vicieux qu’il m’était donné de voir. Un homme grand, énorme et édenté était prêt à bondir et, avant que je puisse réagir, m’attrapa à l’épaule et me jeta en arrière, en criant : « Dégage de ma course et rends-moi ce numéro » », raconte Kathrine Switzer.
Son petit-ami Tom Miller bondit sur Semple et le fit sortir de la route. Arnie Briggs, son entraîneur, lui ordonna alors de courir aussi vite que possible : « Je savais que si j’abandonnais, personne ne croirait jamais qu’une femme fut capable de courir plus de 40 km. Si j’abandonnais, tout le monde allait dire que ce n’était qu’un coup de pub. Si j’abandonnais, ça aurait ramené le sport féminin en arrière au lieu de le faire aller vers l’avant. Si j’abandonnais, je n’aurais jamais plus la possibilité de courir le marathon de Boston. Si j’abandonnais, Jock Semple et les hommes comme lui auraient gagné. Ma peur et mon humiliation se transformèrent alors en colère ».
Kathrine Switzer termina la course en environ 4 heures et 20 minutes, mais fut finalement disqualifiée et bannie de l’Amateur Athletic Union. Au départ de la course, son intention n’était en rien féministe. Fascinée par le marathon de Boston, la course était pour elle un challenge et le moyen de prouver à son entraîneur qu’elle était capable de courir une telle distance. Pendant la course, son objectif prit un tout autre sens : « C’est devenu un acte politique. Avec le recul, je me demande comment j’ai pu avoir le courage de prendre cette décision à seulement 20 ans », confie-t-elle à Vanity Fair.
Au lendemain de la course, Kathrine Switzer eut la surprise de voir son visage en Une des journaux : « Nous avons parcouru le journal de long en large. Partout nous pouvions lire « une fille qui courait », « une fille attaquée », « une fille sauvée par son petit-ami », « une fille épuisée termine la course les chaussettes en sang ». Quand avaient-ils pu prendre toutes ces photos ? […] Pour mes amis, c’était un événement ponctuel. Mais je savais que c’était plus que ça. Bien plus que ça ».

Dans les années qui suivirent, Switzer consacra sa vie à la cause des femmes dans le sport. Elle fit campagne pour que le marathon de Boston s’ouvre aux femmes, ce qui arriva en 1972. Par la suite, elle fonda, avec l’aide de la marque de cosmétiques Avon, le « Avon International Running Circuit » en 1978, un circuit mondial de courses à pied féminines qui a attiré plus d’un million de participantes depuis sa création.
Elle utilisa sa notoriété et le succès des circuits Avon pour faire pression sur le Comité Olympique et militer pour que les femmes aient aussi leur marathon aux Jeux Olympiques. Jusqu’alors, les femmes étaient cantonnées aux épreuves du 1 500 mètres ou moins. Le CIO autorisa la requête mais refusa néanmoins les courses mixtes, estimant que les hommes viendraient en aide aux femmes. La première épreuve du marathon féminin eut lieu lors des Jeux olympiques de Los Angeles en 1984.
Kathrine Switzer devint auteure et commentatrice TV pour les Jeux Olympiques et les Championnats du monde et nationaux, avant de se remettre à courir le marathon à 64 ans.
Elle porta toute sa vie le numéro de dossard 261 dans son cœur. La preuve en est : 261 est le numéro qu’elle donna à son association 261 Fearless, qui tend à démocratiser la course à pied auprès des femmes comme moyen d’émancipation. Plusieurs des membres du club ont d’ailleurs accompagné notre héroïne pour célébrer les 50 ans de son combat.
Kathrine Switzer sur la ligne d’arrivée du 121e marathon de Boston, le 17 avril 2017 :
Kathrine Switzer finishing the 2017 Boston Marathon.
Gepostet von Boston Marathon am Montag, 17. April 2017
Sources :